Quel souvenir marquant gardez-vous de l'époque où vous couvriez le Printemps arabe et la guerre civile syrienne ?
« Je me suis rendu en Syrie environ 25 fois, l'accumulation d'horreurs est indicible. J'ai vu des amis mourir là-bas, et même si j'ai essayé de ne pas me focaliser là-dessus, ce souvenir reste gravé ; tout comme l'incrédulité face à la manière dont ce soulèvement pacifique a dégénéré en une terrible guerre civile. J'ai décidé de ne pas y retourner en 2014 ni en 2015. J'y ai laissé des plumes. Je pense qu'un photographe qui couvre un conflit n'en sort pas indemne. Ce ne sont pas les moments sur le terrain, mais ceux à la maison qui sont difficiles. »
Qu'est-ce qui vous a motivé au cours de votre séjour ?
« Je ne vais pas dans les zones de guerre pour rechercher le danger. Les pays où tout est sens dessus dessous m'ont toujours intéressé. Je vois le pire, mais aussi le meilleur de l'humanité. Je me sens privilégié d'avoir pu voir l'histoire évoluer sous mes yeux, et c'est tout simplement incroyable lorsque vous vous intéressez à la politique. »
En 1999, vous avez co-fondé Zenith. Quelles étaient vos attentes pour le magazine, vos ambitions ont-elles changé depuis ?
« Je me suis lancé là-dedans parce que mon ami étudiait l'arabe. Nous voyagions ensemble, j'ai donc accepté de l'aider. Ce magazine est devenu le plus important au sujet du Moyen-Orient en Europe. Au départ, le magazine était mensuel, puis bimestriel, avant de devenir trimestriel. Tous les médias rencontrent des difficultés, mais nous essayons de conserver les magazines imprimés trimestriels tout en publiant le contenu en ligne. Il est désormais publié en trois langues : arabe, anglais et allemand. »
Vous avez remporté de nombreux prix. Quel est celui dont vous êtes le plus fier ?
« Le seul prix auquel j'ai postulé était les Oscars. C'est celui dont je suis le plus fier. Je travaillais sur le montage de 'Watani: My Homeland' lorsque j'ai allumé la télévision pour regarder les Oscars. Je n'avais jamais regardé cette émission auparavant, mais l'un de mes amis avait été nominé et je voulais voir s'il allait gagner. Je n'avais alors pas réalisé que Meilleur court métrage documentaire était une catégorie, mais lorsque je l'ai découvert, je me suis dit : 'Peut-être que je devrais faire ça !' J'ai beaucoup appris sur le secteur grâce à ma candidature et cela m'a ouvert de nombreuses portes. »
Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui voudrait suivre votre exemple ?
« Il y a beaucoup de jeunes journalistes qui cherchent à se faire un nom ; mon conseil serait d'essayer de comprendre le rôle qu'ils jouent. Dans un monde saturé d'informations, je suis en mesure, grâce au documentaire spécialisé, de créer une œuvre à laquelle les gens peuvent s'identifier et qu'ils peuvent comprendre. Bien que l'on puisse se sentir très peu concerné par les zones de guerre, nous sommes liés par des sujets communs, et c'est ce que je souhaite montrer. »